L’Imaginaire au cœur de Fontennoy : Exploration et partage

par Camille-Victoire Laruelle

En septembre dernier, j’ai eu la chance d’être interviewée par la jolie revue Blumenhaus. C’était la première fois que je prenais le temps de parler aussi ouvertement de mes inspirations, de mon parcours créatif et de l’évolution de Fontennoy depuis sa naissance en 2021.

L’envie d’explorer et de partager.

Cette année, j’ai eu envie de dérouler le fil de cette introspection en écrivant, une fois par mois, un billet que vous pourrez retrouver en newsletter et sur le site de Fontennoy. Ces billets seront l’occasion pour moi de partager avec vous les processus artisanaux, créatifs et imaginaires qui m’accompagnent au quotidien.

Pour ce premier billet, je voulais revenir au cœur de la marque : l’envie de raconter des histoires et de faire vivre mon imaginaire à travers la création de bijoux.

Carnets d’inspiration.

Depuis mon adolescence, je tiens des carnets qui m’accompagnent au fil des années. J’y consigne mes inspirations, mes souvenirs et, surtout, mes dessins. Ce ne sont pas des journaux intimes au sens propre, mais plutôt des patchworks de petits riens qui forment une carte créative de mon univers intérieur. Ils sont comme des archives vivantes, témoins de tout ce que j’ai aimé et de ma manière de voir le monde.

Peu importe l’âge auquel je dessine ou écris, ces carnets continuent de se nourrir de mon amour pour l’imaginaire, bercé par les histoires, légendes et contes de mon enfance. Si l’on oppose souvent imaginaire et maturité, c’est en tant qu’adulte que je réalise combien l’imaginaire est un prisme créatif précieux car il permet de raconter autrement ce qui habite notre réalité.

On nous rappelle souvent que contes et fables parlent avant tout de rites initiatiques, et qu’ils servent à transmettre des apprentissages sociaux ou moraux. Mais au-delà de cette dimension scolaire, l’imaginaire révèle autre chose.

Imaginaire et sensibilité.

Dans Conte merveilleux et mythe latent, Nicole Belmont explique que les mythes, contes et légendes sont des œuvres si anciennes que leur sens premier a été perdu depuis longtemps. Ce qu’il en reste aujourd’hui relève davantage de l’instinct et de l’émotion : une sorte d’archéologie du ressenti, où notre sensibilité capte l’essence même de ces récits.

C’est une théorie qui me parle beaucoup et qui s’inspire de ce que Jacob Grimm a écrit : « Communs à tous les contes sont les vestiges d’une croyance remontant aux temps les plus anciens et qui exprime figurativement sa manière d’interpréter les choses supra-sensibles. Ce mythique ressemble aux petits morceaux d’une pierre précieuse éclatée qui seraient éparpillés sur le sol recouvert d’herbe et de fleurs et que seul un regard plus perçant que les autres peut découvrir. Leur signification s’est perdue depuis longtemps, mais on la ressent encore ; c’est elle qui fait la teneur du conte et qui en même temps satisfait notre attrait naturel pour le merveilleux ».

Créer : un exercice de partage universel.

Je pense moi aussi que l’imaginaire repose sur la sensibilité et tisse tout un système d’images et de symboles qui évoluent avec nos perceptions du réel. Ce qui le rend intemporel, c’est qu’il est à la fois intime et universel : il dépend de notre sensibilité personnelle mais il s’inscrit aussi dans une longue tradition de récits et de légendes racontées au coin du feu, dans un esprit de transmission et de partage.

Dans le monde de la mode et des métiers artistiques, on parle souvent de créer de l’émotion, que ce soit pour vendre un produit ou pour exprimer une démarche sincère.

Quand j’ai fondé Fontennoy en 2021, j’ai eu envie de donner du sens à toute la matière créative que j’avais accumulé au fil ces années en transmettant, à mon tour, l’émotion que j’éprouve en imaginant, façonnant et en racontant l’histoire d’un bijou.

Je réalise que c’est aussi l’occasion de dévoiler une vision personnelle, imparfaite mais sincère, de mon monde intérieur. Une démarche que je partage avec d’autres créateurs et créatrices, convaincus qu’il est essentiel de partager nos imaginaires pour en faire des terrains d’exploration et de compréhension de l’Autre.

Sans parler de règles ou de rites initiatiques, l’imaginaire exprime des expériences profondément humaines, qui trouvent toujours un écho en nous, malgré nos différences. Renaud Hétier résume mieux que moi cette pensée en se demandant si « L’imaginaire, les contes merveilleux et les légendes ne seraient-ils pas pour nous l’occasion d’exercer notre capacité à rester enfant, ou à redevenir enfant, et finalement à viser l’ultime pouvoir : celui de résister au temps fatal ? »